J'ai fait un diabète gestationnel pour mes deux grossesses et je l'ai vécu si différemment que je voulais en faire un article et apporter mon témoignage. Car on entend beaucoup de choses à ce sujet.
Je précise que mes deux grossesses se sont déroulées dans deux régions différentes car j'ai déménagé entre-temps, les médecins rencontrés n'étaient donc pas les mêmes.
Définition du diabète gestationnel
Le diabète gestationnel est un état d'intolérance au glucose, quelle que soit sa sévérité, apparu au cours de la grossesse chez une femme sans diabète sucré connu antérieurement. Le diabète se définit par une glycémie veineuse à jeun supérieure à 1,26 grammes par litre de sang (7 mmol/L), à deux reprises. Mais, ici, c'est une simple intolérance au glucose qui doit être prise en charge. C'est une complication fréquente du diabète (environ 5 % des grossesses), et qui expose à des complications maternelles et fœtales potentiellement sévères. Il apparaît classiquement entre la 24e et la 28e semaine d'aménorrhée, correspondant à la sécrétion de l'hormone lactogène placentaire (HPL) par le placenta, responsable d'insulino-résistance chez la mère. (Wikipédia)
En d'autres termes, une femme qui ne fait pas de diabète en tant normal peut en contracter un lors de sa grossesse et suivre les mêmes règles strictes qu'une personne diabétique. C'est en fait une déficience du pancréas, il n'arrive plus à réguler le taux de sucre de le sang.
Les risques pour le bébé sont multiples: problèmes cardiaques, hypoglycémie à la naissance et surtout macrosomie (= bébé trop gros).
Avant grossesse
Lulu: Avant de tomber enceinte, je pèse 81kg pour 1m55, soit un IMC de 33.7. Obésité modérée. Aucune remarque de ma gynécologue et de la sage-femme de la maternité, rien ne sert d'angoisser une future maman pour rien.
Teemo: Je pèse le même poids et comme j'ai fait du diabète gestationnel pour ma 1ère grossesse, la sage-femme me tend une brochure avec des conseils de diététique et me conseille de me mettre au régime sans attendre. Pire, la 1ère échographie révèle que bébé est trop gros, il n'en faut pas plus pour activer les signaux d'alarme de la maternité.
Le test de glycémie
Vers la 26ème semaine de grossesse, toutes les femmes enceintes doivent passer le test de glycémie pour détecter un éventuel diabète gestationnel. J'ai fait le même test les deux fois:
- prise de sang à jeun
- ingestion de 75g de glucose
- prise de sang 1h après
- prise de sang 2h après
Lulu: Je ne sais pas du tout à quoi m'attendre quand je commence à boire mon flacon orange et je déchante vite. C'est juste infect ! Il faut déjà se retenir de vomir car n'oublions pas que nous sommes à jeun... J'ai pris un livre pour m'occuper mais j'en lis à peine 3 pages, je passe par toutes les phases: nausées, vertiges, chaleurs, sueurs froides, je suis à deux doigts de m'évanouir dans la salle d'attente (car on est obligée de rester sur place pour éviter qu'on aille manger entre deux prises de sang et qu'on ne revienne pas). De retour à la maison, j'appelle le boulot pour dire que je ne viendrai pas travailler, je suis à la limite de m'évanouir. Je dors tout l'après-midi. Lorsque je reçois les résultats positifs, je suis moyennement étonnée, j'ai bien compris que mon corps ne supportait pas tout ce sucre.
Teemo: Cette fois, je suis prévenue, je prends une grande inspiration avant d'avaler cul-sec. Quelle horreur ! J'ai encore emporté un livre mais je me concentre sur mon état général, je veux éviter d'avoir l'air livide devant tout le monde. La première heure se passe très bien, je me dit même que ça sera négatif cette fois, sauf que dès la 2ème heure, les nausées et les vertiges reviennent. Enfer et damnation. De nouveau, le test est positif, j'ai d'ailleurs exactement les mêmes taux que pour le 1er test.
Les consignes de la maternité
Lulu: J'habite en région parisienne et je me suis inscrite dans une maternité très côtée, non pour son standing mais parce qu'elle est à 500 m de chez moi. Lorsqu'ils reçoivent le test positif, je suis conviée à une réunion qui durera toute la journée. Nous sommes 5 filles, 2 en surpoids, 2 avec un poids normal et une vraiment maigrichonne (50kg à 6 mois de grossesse, c'est tout dire), preuve que le diabète gestationnel peut toucher tout le monde.
Je me fais remarquer dès le début. Il est 9h, on nous propose un petit déjeuner et on nous demande si nous préférons du café ou du thé. Comme je n'aime ni l'un ni l'autre, je demande s'il y a du chocolat chaud. Hilarité de la salle: "Ma petite dame, le chocolat c'est fini pour vous !" La journée va être longue...
On nous explique donc les risques (ça fiche un coup au moral quand on nous dit que bébé peut faire une crise cardiaque in utero) et comment adapter notre alimentation. Une diététicienne nous concocte un régime à chacune et elle se permet de préciser: "Pour le vôtre, j'ai été plus stricte car vous êtes déjà en surpoids à la base". Oui, enfin je suis enceinte, hein, c'est pas non plus la peine de vouloir me faire maigrir... Je suis à +6kg depuis le début de la grossesse.
On nous apprend à prendre nos dextros: on se pique le doigt avec une machine pour faire perler une goutte de sang et on applique cette goutte sur une languette qui nous indique le taux de sucre dans le sang. Il faudra le faire 6 fois par jour: à jeun, 2h après le petit-déjeuner, avant le déjeuner, 2h après le déjeuner, avant le dîner et 2h après le dîner. Et on nous montre également comment s'administrer des injections d'insuline mais ça ne concernera que très peu d'entre nous.
A la fin de la journée, nous avons toutes droit à une échographie pour voir si le bébé n'est pas trop gros. Lulu est parfaite, elle est même dans la courbe basse.
Teemo: Mes résultats sont étudiés par un gynécologue. C'est lui qui me suivra désormais. Evidemment, il me met en garde sur mon alimentation, me fournit le matériel pour me piquer le doigt (youpi!) et me donne rendez-vous pour le mois suivant. Je suis à +2kg depuis le début de la grossesse.
Le régime et les taux de glycémie
Lulu: Je suis tellement stressée à l'idée que mon bébé ait des problèmes cardiaques que je suis le régime à la lettre. C'est-à-dire sans pain, ni féculents, ni sucre (donc très peu de fruits), et orgie de yaourt nature 0%. Le pied... Je prends mes taux régulièrement et il s'avère que le taux du matin est toujours trop haut: la limite est à 0.90 (me souviens plus de l'unité de mesure) et je suis à 0.92 de moyenne. Je m'aperçois également que les taux sont très fluctuants et que le rapport avec ce que je consomme est vraiment bizarre. Par exemple, mon taux est beaucoup plus important 2h après avoir consommé une salade composée (salade verte, jambon, maïs) qu'après un menu best of au Macdonald's (on a bien le droit de craquer...) Je commence à désespérer et à déprimer, je ne sais plus ce que je peux manger ou non. Je perds 3kg.
Il faut savoir que je supporte très mal les régimes. Psychologiquement, il suffit que je décide de me mettre au régime pour m'empiffrer, comme si je devais me remplir avant de subir la disette. C'est donc très difficile pour moi, je craque très régulièrement et je culpabilise énormément.
Teemo: Très marquée par mon régime précédent, je désespère à l'idée de connaître la même chose. Je décide de faire comme j'en ai envie. Je mange comme d'habitude et je n'ai aucun scrupule à me faire des tartines de Nutella au goûter, ni à piocher deux fois dans le gâteau d'anniversaire de Lulu. De toute façon, je sais où sont mes limites: je tente le sundae chocolat mais je mets toute la soirée à le digérer, j'ai mal au coeur, comme lorsque j'ai fait le test de glycémie. J'apprends vite à reconnaître les aliments qui ne passent pas.
Je prends mes taux une à deux fois par jour, surtout le matin pour vérifier que je n'ai pas le même problème de régulation que pour Lulu. J'ai les mêmes taux, 0.92 de moyenne mais dans cette maternité, ils considèrent que la limite est à 0.95 et non 0.90. J'en fais la remarque et on me répond qu'"effectivement, ici on est moins strict". Ou comment les maternités font leur propre sauce. Le reste du temps, j'écris n'importe quoi sur mon carnet de suivi. Le gynécologue est content. Je suis à +3kg depuis le début de la grossesse.
Les échographies montrent que bébé est dans la norme.
Les dernières semaines de grossesse
Lulu: La diabétologue s'inquiète de mes taux et m'annonce qu'il va falloir passer à l'insuline. Une injection au coucher puis, plus tard, une injection supplémentaire avant le dîner. Mes cuisses ressemblent à du gruyère, je pleure à chaque fois mais je me force, il en va tout de même de la vie de mon bébé. Le dernier mois, on me fait passer 2 monitoring par semaine pour vérifier le rythme cardiaque de bébé. J'ai également droit à une échographie, une semaine avant l'accouchement, bébé est estimé à 3kg, c'est parfait.
Je suis à +3kg depuis le début de la grossesse.
Teemo: A la visite du 8ème mois, je viens avec un carnet vide et j'avoue au gynécologue que je ne me pique plus le doigt, que je sais me réguler. Il n'est pas content du tout et m'astreint à un monitoring par semaine en plus de continuer à prendre mes taux. J'écris de nouveau n'importe quoi dans le carnet, je n'ai aucunement envie de me prendre la tête avec ça.
Je suis à +4kg depuis le début de la grossesse.
L'accouchement
Lulu: L'insuline prise régulièrement est mauvaise pour le bébé donc on me propose un déclenchement à 39SA. Je suis ravie, j'ai hâte de voir la bouille de ma petite fille. Je me présente le matin, on m'installe dans la salle de naissance avec tout une machinerie: perfusion d'ocytocine pour provoquer les contractions, perfusion d'antibiotique pour le streptocoque B (puisque je suis évidemment positive !), perfusion de glucose pour réguler mon diabète, monitoring autour de la taille, électrodes pour surveiller mon rythme cardiaque et, plus tard, péridurale dans le dos. Autant dire que je n'ai aucune possibilité de bouger. Je reste allongée toute la journée à attendre que mon col s'ouvre, je m'ennuie ferme car je ne sens aucune contraction avec la péridurale, le monitoring n'affiche rien non plus, à se demander comment j'ai accouché ce jour-là ?? Au moment de pousser, je ne sens toujours rien et on a recours aux forceps et à l'épisiotomie pour m'aider.
Lulu vient au monde, une petite puce de 3,230kg, sans aucun problème d'hypoglycémie. Ouf.
Teemo: Mes taux étant excellents (tiens donc ?), on me laisse aller jusqu'à la fin de grossesse. Je regrette un peu parce que je n'en peux plus mais en même temps, je n'ai pas envie de revivre la grossesse passive de Lulu, j'ai envie que ça se déclenche tout seul. Je suis servie: je perds les eaux un matin à 7h. Comme je n'ai aucune contraction, la maternité me garde en observation et on m'explique que le travail sera déclenché au bout de 24h à cause des risques d'infection. Je passe la journée et la nuit à la maternité. Bébé se décidera le lendemain matin à 6h30 et les contractions sont fulgurantes dès le départ. Je bénis le ciel d'être déjà sur place, en 4h je suis complètement dilatée. Je dose moi-même la péridurale, ce qui me permet de sentir les contractions sans souffrir pour autant et lors de la poussée, je sens tout ce qui se passe, quand il faut pousser, où en est bébé, c'est formidable.
Teemo naît le plus facilement du monde, il fait 3,240kg et n'a aucun problème de santé.
Conclusion
Deux grossesses avec du diabète gestationnel gérées différemment et deux enfants en très bonne santé. Avec le recul, je me dis que la grossesse est surmédicalisée, qu'on affole les futures mamans pour pas grand chose. Pour Teemo, j'ai mangé Macdonald's, goûté au Nutella, bu mon jus d'orange tous les matins et apprécié les bonnes choses de la vie sans aucune conséquence sur mon poids et le sien. Quand je pense à l'état dépressif dans lequel j'étais à la fin de ma 1ère grossesse, j'en veux terriblement au personnel médical. Non, le diabète gestationnel n'est pas une fatalité, oui, on peut manger ce qu'on veut !!
Attention, je ne dis pas qu'on a le droit de manger une tablette de chocolat par jour, il existe sûrement des femmes qui ont des taux très mauvais et qui doivent suivre un régime strict et prendre de l'insuline. Mais je suis persuadée que ce n'est pas la majorité. J'ai voulu écrire ce témoignage car je lis et entends trop souvent des phrases comme: "Je vais devoir supprimer mon jus d'orange le matin, c'est dommage car c'est un rituel pour moi", "Je viens d'acheter un melon au marché, je ne vais malheureusement pas pouvoir y goûter", "mon médecin a voulu vérifier que je ne faisais pas de diabète gestationnel car j'ai pris trop de poids" (rien à voir!).
Mesdames, oubliez les consignes de vos médecins et faites vos propres tests. Mangez une mousse au chocolat et prenez votre taux 2h après: il est bon ? Tant mieux, vous n'aurez pas à vous priver ! Il est mauvais ? On supprime la mouse au chocolat et on essaye la salade de fruits au repas suivant. Chaque personne est différente et chaque corps réagit différemment à l'alimentation, d'autant plus en période de grossesse. Certaines ne supportent pas l'odeur de la viande quand d'autres ont de furieuses envies de steack tartare, c'est pareil avec le diabète gestationnel !! Vivez votre grossesse, les filles, et ne sombrez pas dans la dépression d'un régime trop strict.