C'est à la suite d'une
conversation avec Itmapie, du blog
Graine de caillou, que j'ai eu envie de raconter cette histoire. En mai 2011, alors que Lulu avait 9 mois, celle-ci a échappé à un accident domestique qui aurait pu lui être fatal. Aujourd'hui encore, nous remercions le ciel pour le miracle qui nous a été accordé.
Il est midi ce jour-là, Lulu est sur sa chaise haute et j'ai son repas entre les mains. Je lui donne une cuillère de purée qu'elle avale en grimaçant puis à la deuxième, elle se met à hurler. Je tente à nouveau de lui donner une cuillère, elle trépigne, pousse ma main et pleure. Je laisse tomber et lui prépare un biberon à la place. Elle boit deux gorgées et se met à hurler de plus belle, elle refuse le biberon et le repousse énergiquement. Je sens que quelque chose ne va pas, d'ordinaire elle raffole de ses biberons de lait. Je lui change la couche et j'en profite pour lui prendre la température: 36.3°, tout va bien. J'appelle tout de même le généraliste le plus proche, je n'ai pas encore de médecin traitant car nous avons emménagé il y a moins d'un mois. Il me propose de venir à 14h15. Comme Lulu est inconsolable, je la prends en écharpe.
Je me rends chez le médecin à pied, j'hésite à prendre la voiture mais comme Lulu n'arrête pas de pleurer, je me dis qu'il est mieux que je la garde en écharpe, tout contre moi. Je remarque qu'elle a du mal à déglutir et qu'elle pleure chaque fois qu'elle avale sa salive. En arrivant chez le médecin, il trouve étrange que Lulu pleure autant et ce depuis plus d'une heure. Il lui regarde les oreilles, le ventre, rien à signaler... Il vérifie une seconde fois, pour être sûr, puis m'annonce que je dois me rendre aux urgences pédiatriques: il ne décèle rien mais il n'est pas normal que ma fille pleure autant et sans interruption. Lorsqu'il me demande si je connais la route pour aller à l'hôpital, mon visage suffit à le renseigner: il me propose d'utiliser son téléphone pour appeler quelqu'un qui pourra m'y conduire rapidement. J'appelle mon beau-frère, qui habite à quelques rues de là, et coup de chance, il est disponible tout l'après-midi.
Sur la route, Lulu est calme mais pleure par intermittence. Mon beau-frère me dit que je prends la chose plutôt bien. C'est faux, je suis en panique totale sauf que je suis tellement tétanisée par la peur que j'ai l'impression de ne plus rien ressentir. Et puis, je ne dois pas me laisser aller à pleurer, ce n'est pas le moment. Nous arrivons à 15h, Lulu est tellement pâlotte qu'ils ne tardent pas à nous prendre en charge. On l'ausculte une première fois: oreilles, ventre, température, rien à signaler. Nous commençons par une échographie abdominale, sans succès. Puis, on lui place une poche pour relever ses urines, mais l'analyse ne donne rien, il ne s'agit pas d'une infection urinaire. En attendant, Lulu s'endort mais fait la grimace régulièrement, on sent que quelque chose la gêne. Piwix nous rejoint après son travail. Pour le goûter, ils nous proposent de lui donner une compote puisqu'elle n'a rien avalé depuis son biberon du matin. Je m'exécute et à la première cuillère, Lulu s'étouffe !! Ni une, ni deux, je la retourne sur le ventre et tape vigoureusement dans son dos. Piwix me dira plus tard qu'il a trouvé ma réaction extraordinaire, que j'avais agi extrêmement vite et je lui répondrai que dans ces moments-là, on ne réfléchit plus, on agit. On appelle les médecins et ils nous proposent un biberon d'eau: Lulu ferme la bouche, pousse le biberon, tourne la tête dans tous les sens et finit par s'étouffer avec sa salive. Plus de doute possible, quelque chose coince dans la gorge. Ils nous demandent si elle a avalé quelque chose, je réponds par la négative: le matin elle allait bien, elle a joué dans son parc pendant que je passais l'aspirateur, puis elle a joué avec moi, sieste du matin et repas du midi où tout a commencé. Sa purée est mixée, elle n'a pas pu s'étouffer avec un morceau. Radio du thorax cette fois: rien à signaler. On passe dans le pavillon des ORL.
L'ORL vient l'ausculter et me demande à nouveau si elle a avalé quelque chose. Je lui réponds que je n'ai rien vu mais je commence à douter. On essaye à nouveau avec un biberon d'eau mais impossible de lui faire ouvrir la bouche. Malgré son jeune âge, elle sait qu'avaler est douloureux, elle ne veut plus s'y laisser prendre! Il nous propose de passer une petite caméra par le nez afin d'aller voir au fond de la gorge: des minutes interminables où je tiens ma fille contre moi le temps qu'il fasse son affaire... Le verdict tombe, il pense avoir vu un morceau de papier dépasser de son oesophage. Piwix a une révélation: les mouchoirs ! En effet, la veille au soir, je préparais le dîner dans la cuisine, Lulu jouait avec un paquet de mouchoirs dans la salle et Piwix était devant le PC. Tout d'un coup, Lulu s'est mise à tousser et Piwix s'est précipité pour voir si elle n'avait rien avalé. Comme elle n'avait rien dans la bouche et qu'elle respirait normalement, nous ne nous sommes pas inquiété et nous avons oublié.
Le médecin nous propose alors l'opération: ils vont aller chercher le morceau de papier dans la gorge. On comprend à moitié, on croit qu'ils vont lui ouvrir la gorge, Piwix est malade rien qu'à l'imaginer avec une cicatrice. Finalement, il n'en est rien, ils vont juste lui passer une sorte de pince dans la gorge, il n'y aura aucune trace. Ils nous installent dans une chambre, il est 20h. Piwix va chercher le nécessaire pour que je passe la nuit sur place. 21h20, elle part au bloc et commence l'attente interminable. On culpabilise mais on essaye aussi de se consoler, après tout, les accidents domestiques arrivent à tout le monde, moi qui refuse les bijoux, colliers d'ambre, pain ou autres biscuits de peur qu'elle s'étouffe !! Je ne pleure pas, quelques larmes mais je refuse de craquer, j'ai l'impression que si je pleure, ça sera comme si c'était grave et que je ne pourrais plus m'arrêter. Une aide-soignante nous croise dans les couloirs et croit bon de nous dire en rigolant: "Alors cette petite n'a pas assez à manger, elle mange les mouchoirs !" Nous ne rigolons pas (blague qu'on nous a resservie le lendemain, sans plus de succès de notre part). A 22h, le médecin revient avec le chirurgien et nous montre l'objet du délit: la languette autocollante du paquet de mouchoirs.
|
On n'a pas été jusqu'à conserver le petit flacon, on a juste fait une photo ! |
Les événements ont dû se dérouler ainsi: Lulu a avalé la languette la veille au soir. Elle s'est collée au fond de la gorge de sorte que les biberons de lait du soir et du matin ont coulé dessus sans la toucher. Le midi, la purée, plus épaisse, l'a embarquée sur sa route et elle s'est coincée dans l'oesophage.
Je remercie le ciel chaque jour d'avoir épargné ma fille. Et si la languette était allée se coller sur la trachée ? Je connais la
méthode de Mofenson mais avec un objet aussi gros et aussi plat ? C'est autre chose qu'un aliment ou un caillou ! Et si elle s'était décollée dans la nuit et que Lulu s'était étouffée dans la solitude de sa chambre ? Vision d'horreur. Il m'arrive de regarder ma fille et de me réjouir de la voir encore vivante, tout aurait pu s'arrêter à ses 9 mois. Heureusement, elle n'en a gardé aucune séquelle, en tout cas visible. Elle a eu un peu de mal à manger les jours suivants mais tout va bien aujourd'hui.
Je remercie l'équipe médicale qui n'a pas lésiné sur les moyens pour découvrir ce qui faisait souffrir ma fille. Je n'en veux pas au médecin qui nous a dit, la languette à la main: "Il faut faire attention !", il avait raison. Par contre, je demande aux aides-soignantes et aux infirmières de garder leur humour noir pour la salle de repos, il y a des choses qui ne se disent pas...
Bizzarrement, nous n'avons pas culpabilisé, du moins pas trop. Nous nous considérons comme des parents attentifs et nous protégeons au mieux nos enfants, il ne nous était jamais venu à l'esprit qu'un simple paquet de mouchoirs pouvait être dangereux ! Je me disais que c'était bien trop gros pour être avalé mais je n'avais pas pensé qu'il pouvait se déchirer. Pendant longtemps, il lui était strictement interdit d'y toucher, nous n'avons levé l'interdiction que récemment quand nous avons compris qu'elle était assez grande pour s'en servir correctement et qu'on ne pouvait pas lui interdire les mouchoirs jusqu'à ses 18 ans. Par contre, il est hors de question que son frère s'en approche à moins de 20 mètres !!