4ème de couverture: Soutiens-gorge rembourrés pour fillettes, obsession de la minceur, banalisation de la chirurgie esthétique, prescription insistante du port de la jupe comme symbole de libération: la "tyrannie du look" affirme aujourd'hui son emprise pour imposer la féminité la plus stéréotypée. Décortiquant presse féminine, discours publicitaires, blogs, séries télévisées, témoignages de mannequins et enquêtes sociologiques, Mona Chollet montre dans ce livre comment les industries du "complexe mode-beauté" travaillent à maintenir, sur un mode insidieux et séduisant, la logique sexiste au coeur de la sphère culturelle.
Sous le prétendu culte de la beauté prospère une haine de soi et de son corps, entretenue par le matraquage de normes inatteignables. Un processus d'autodévalorisation qui alimente une anxiété constance au sujet du physique en même temps qu'il condamne les femmes à ne pas savoir exister autrement que par la séduction, les enfermant dans un état de subordination permanente. En ce sens, la question du corps pourrait bien constituer la clé d'une avancée des droits des femmes sur tous les autres plans, de la lutte contre les violences à celle contre les inégalités au travail.
Cette lecture m'a été inspirée par AC Husson qui en parle sur son blog Ca fait genre. Il s'agit ici de démontrer comment les médias utilisent le corps de la femme et comment nous sommes conditionnées à suivre les directives de la mode, alors qu'elles sont contraires à la nature.
Le grand intérêt de ce livre tient dans l'opulence des sources et de la documentation. On sent que Mona Chollet maîtrise son sujet, il ne s'agit pas d'un essai philosophique où l'auteur présente son point de vue mais bien une analyse poussée de la société actuelle. Elle y aborde l'anorexie ou la dure vie de mannequin, comme pourrait en témoigner Camille G, qui est bien loin de la vie de paillettes qu'on s'en fait. On y voit toutes les conséquences désastreuses de la recherche d'un corps idéal ou d'un code vestimentaire imposé:
Le risque de sanction est réel. Il faut voir les commentaires d'une incroyable agressivité que suscite, par exemple, sur les sites people, l'Américaine Jennifer Garner. Depuis qu'elle est mère, l'héroïne de la série Alias ose sortir dans la rue sans être tirée à quatre épingles. Sur PurePeople, on trouve, sous le titre "Jennifer Garner, l'histoire de la déchéance d'un look... Va-t-elle adopter le style négligé à vie?" , une sélection de photos légendées en termes vengeurs: "Jennifer Garner version je couvre mon corps au maximum et dissimule mes atouts. Un très mauvais exemple mesdames"; "Un gilet sans forme, un jean mal choisi, Jennifer a tout faux sur son look"; [...] Un jour où l'actrice sort sans sa fille, on présume que la petite a "honte du look de Bidochon de sa propre mère", qui "est apparue ces derniers jours dans un état pitoyable", c'est-à-dire en arborant "une casquette pas vraiment des plus féminines." [...]
Ce refus d'être en représentation permanente, d'être séduisante, "sexy" et "féminine" à toute heure du jour est impardonnable. [...]
Les vedettes qui émergent, en France ou aux Etats-Unis, sont dorénavant toutes calibrées sur le même modèle: extrême minceur - ou rondeurs tolérables -, teint diaphane, garde-robe sophistiquée plus souvent élaborée par une styliste personnelle. A peine repérées, les espoirs féminins de Hollywood suivent toutes le même parcours: amaigrissement spectaculaire et embauche d'une styliste. Une fois réussie leur transformation en portemanteaux lisses, fades et interchangeables, elles pourront espérer susciter l'intérêt d'une ou de plusieurs marques de cosmétiques ou de vêtements. Le jeu en vaut la chandelle: si elles y parviennent, ce sera le jackpot, à la fois sur le plan financier et sur celui de l'exposition médiatique. L'objectif ultime n'est plus de se distinguer par son talent, mais par son potentiel de femme-sandwich, en entrant dans le moule d'une certaine vision de la féminité.Un livre que je conseille vraiment à toute personne intéressée par le féminisme et plus particulièrement par la vision de la femme dans les médias, et par extension la société.