mardi 7 janvier 2014

Je t'ai comprise, maman

Même si j'ai toujours entretenu une bonne relation avec ma mère, je n'ai jamais ressenti le besoin d'être proche d'elle. Lorsque nous avons déménagé en Normandie, j'étais même plutôt heureuse de m'éloigner de mes parents que je voyais tous les jours pour le travail. Je ne l'appelais pas au téléphone, ne prévoyais pas de lui rendre visite, ne lui écrivais pas, je n'étais pas particulièrement touchée par la distance.

Depuis toute petite, je n'ai connu que la distance. Ma famille maternelle est dispatchée aux 4 coins de France, certains se sont même exilés en Angleterre, et nous ne nous voyons qu'à des grandes occasions ou chez papi/mamie pour les vacances scolaires. J'ai vite compris que la distance ne signifiait pas grand chose et que ce n'était pas parce qu'on ne se voyait pas qu'on ne pensait pas les uns aux autres. J'ai donc reproduit le même schéma avec ma mère et au fil du temps, je me suis rendue compte que si cela ne m'affectait pas particulièrement, ce n'était pas la même chose de son côté.

En regardant grandir mes enfants, je me suis mise à rêver et à me projeter dans l'avenir. Inévitablement, j'en suis arrivée au jour où ils partiraient de la maison et fonderaient leur famille ailleurs. Et j'ai eu peur... Et s'ils décidaient de partir à des kilomètres de chez nous? Dans un pays étranger? Et s'ils décidaient de nous rendre visite qu'une fois tous les 6 mois parce que leur conjoint ne me/nous supporte pas? En un instant, j'ai compris ce que pouvait ressentir ma mère. Se dire qu'on a aimé et choyé ses enfants pendant une vingtaine d'années et du jour au lendemain, plus rien? J'étais meurtrie. Ce jour-là, j'ai décidé que les enfants verraient leurs grands-parents, maternels et paternels, au moins une fois par mois. J'ai également lâché prise et accepté qu'ils fassent quelques séjours pendant les vacances. J'ai immédiatement senti une reconnaissance chez ma mère mais aussi chez ma belle-mère, comme si tisser ce lien entre eux et leurs petits-enfants, c'était garder le lien avec nous.

Lorsque mes soucis de santé ont commencé, je n'ai rien dit. Je n'aime pas trop me dévoiler et la santé est quelque chose de très intime, je refusais d'en parler autour de moi. Quand mon état s'est dégradé, j'ai quand même pris le temps d'appeler ma mère, cela me coûtait énormément mais je savais au fond de moi que c'était la moindre des choses, le minimum de la part d'un enfant. Elle en fut très touchée et m'a immédiatement posé plein de questions, jusqu'aux dates et heures de consultations. J'étais d'abord exaspérée par cet interrogatoire et je me suis posée la question ultime: Et s'il arrivait la même chose à Poppy? Ne serais-je pas la première à la bombarder de questions? Ne serais-je pas du genre à l'appeler 1h après son rendez-vous pour savoir exactement ce qui s'est passé? Voire l'accompagner si j'ai la chance d'être sur place? Bien sûr.

Devenir maman m'a permis de mieux comprendre ma propre mère. Nous fonctionnons de la même façon, nous avons le même carburant: l'amour que nous portons à nos enfants. Je peux dire aujourd'hui que cet amour nous a rapproché et que je prends plaisir à appeler ma mère pour lui donner des nouvelles. Et je caresse l'espoir que mes enfants reproduiront le même schéma.

Une anecdote amusante pour finir? Un jour où ma mère rendait visite à ma grand-mère, elle lui a dit: "Je suis désolée de ne pas t'avoir laissé mes filles plus souvent pendant les vacances, maintenant que je suis devenue grand-mère, je comprends." La boucle est bouclée.

Garder le lien

18 commentaires:

  1. Très touchant cet article. Je trouve ça formidable de ta part de t'être demander ce que pouvait ressentir ta mère ! Moi je suis en colère contre beaucoup de gens de ma famille par leurs réaction face à ma maladie. Je devrais peut-être me m'être à leur place parfois. Mais bon en même temps c'est quand même moi qui porte la maladie pas eux !

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    1. Et puis ils ont peut-être tort eux aussi. :) J'ai la chance d'avoir des parents aimants, tout le monde ne peut malheureusement pas en dire autant.

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    2. Moi aussi j'ai une famille aimante, mais sou le prétexte de l'amour ils se permettent de juger et de donner leur avis quand on ne leur demande pas et c'est parfois très lourd !

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  2. C'est chouette que tu es compris avant que ce ne soit trop tard pour vous deux :)

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  3. Il est très beau ton article et je dois dire que tu as raison. C'est bien que tu parviennes à te mettre à la place de ta mère. Moi, j'avoue que je suis assez égoïste et j'ai beaucoup de mal à lâcher ma fille. J'essaie de faire des efforts mais j'ai beaucoup de mal même si j'essaie de me mettre à sa place.

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    1. Je crois que c'est comme lorsqu'on doit les laisser en crèche ou chez la nounou quand ils sont tous petits, le plus dur ce sont les premiers jours, après on apprend à vivre avec la séparation et on apprécie d'autant plus les retrouvailles. Je t'assure que voir des enfants super heureux d'aller chez leurs grands-parents et des grands-parents qui ont le sourire jusqu'aux oreilles à l'idée de passer quelques jours avec leurs petits-enfants est très agréable. On se dit alors que notre petit "sacrifice" est un cadeau pour tout le monde.

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  4. Je me suis fait exactement la même réflexion quand je suis devenue mère, au fil des mois, j'ai compris. J'ai toujours laissé une grande place aux grands parents pour qu'ils profitent (et vice versa) de leur petit fils (splendide spécimen s'il en est).
    par contre, je n'ai pas vraiment réussi à récréer avec eux, en tant que fille, de liens qui n'avaient pas vraiment été créés à la base...Et j'espère que de mon côté, en tant que mère, j'arriverai à le créer avec mon fils pour que se donner des nouvelles et être proche (pas forcément en distance) soit naturel.

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    1. J'espère que tu y arriveras et je me dis que se poser la question et agir en conséquence est déjà un bon espoir.

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  5. Ton article est super bien écrit et comme toujours tu parviens à exprimer les choses clairement et simplement, avec les bons mots. Tout comme toi, j'avoue que depuis que Lulu est née je réfléchis comme une maman et j'essaye systématiquement de me projeter dans le futur pour savoir comment je réagirai quand je serai grand-mère. Et effectivement, souvent là on s'aperçoit qu'on ne voit pas les choses de la même manière du coup.

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    1. J'ai horreur d'être prise au dépourvue, il faut toujours que je vois à long terme. :p

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  6. Ca me fait mal au coeur d'imaginer cela. J'ai fait le choix de rester vivre près de mes parents pour cette raison. C'est chouette que tu t'en sois rendu compte !

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    1. La distance géographique n'est pas forcément la pire finalement, c'est la distance sentimental qui guette et à laquelle on doit faire attention. Tout cela dépend aussi des personnes et des caractères, ma belle-soeur voit sa mère tous les jours et lui téléphone aussi souvent, je ne pourrais jamais être comme ça, même si j'aime beaucoup ma mère. ;)

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  7. très beau billet!

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  8. Sur ce, je m'en vais appeler ma mère pour lui donner de mes nouvelles, tiens !

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  9. J'aime beaucoup ce billet et la vision que tu as du lien petits-enfants / grands-parents.
    C'est très fort cette remise en question.

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